Jean-Paul BELMONDO, enfant du pays d’Allanche …

par Philippe Glaize – Cahier N°2

En 2019, dans un nouvel ouvrage…

« Une star à la une, BELMONDO, itinéraire d’un homme exceptionnel », aux éditions WE Press, 9 rue Emile Allez 75017 Paris, Aurélie Milani retrace la vie de notre ami et celui-ci revient sur trois pages sur son séjour à Allanche en 1950.
A cette occasion, retour sur un bel article de Phlippe Glaize – extrait cahier n°2 des Amis du Vieil Allanche « La vie de l’esprit et le travail des hommes en Cézallier » édité en juin 2009.

Après un accident vasculo-cérébral grave qui l’a paralysé pendant plusieurs mois et handicapé pendant sept années, Jean-Paul Belmondo est revenu avec beaucoup de courage et de volonté sur le devant de la scène en janvier 2009 dans le film « Un homme et son chien » de Francis Huster.
A cette occasion il a fait la une de nombreux journaux, magazines, radios, télévisions qui ont souligné sa performance et la place importante qu’il tenait dans le cœur des Français qui reconnaissent en lui l’un des géants du cinéma français avec près de cent films à son actif.

Aussi les Amis du Vieil Allanche ont-ils souhaité rappeler les liens étroits qui le lient à Allanche à la suite de ses différents séjours dans notre cité et notamment de l’année de convalescence qu’il y a passé.

La presse s’en est d’ailleurs fait l’écho et l’article qui lui a été consacré par « La Montagne » le 14 janvier 2009, jour de sortie de son dernier film, a été l’article « le plus lu » sur le site internet du journal pendant plus d’une semaine.

Juste après la seconde guerre mondiale, Paul Belmondo, sculpteur reconnu et son épouse, parents de Jean-Paul Belmondo venaient en vacances d’été à Allanche, à l’Hôtel Bonnal. Cet établissement très réputé était tenu par Antoinette Bonnal et Pierre dit « Pierrot »,son fils. L’hôtel aurait été conseillé aux parents Belmondo par des amis du couple, réfugiés à Allanche pendant la dernière guerre. Allanche jouissait d’une solide réputation d’accueil pour avoir su héberger quantité de réfugiés pendant l’exode et notamment plusieurs familles juives.

En 1949 Jean-Paul Belmondo est atteint d’une primo-infection sévère et les médecins conseillent à ses parents de l’envoyer faire un long séjour en montagne. Ils demandent alors à Antoinette et Pierrot Bonnal s’ils seraient d’accord pour prendre Jean-Paul en pension pendant près d’une année, ce qu’ils ont accepté et c’est ainsi que Jean-Paul est devenu allanchois pendant cette période.

L’écrivain Philippe Durant décrit dans son livre « Belmondo » édité chez Robert Laffont cet épisode de la vie de Jean-Paul :

« A l’âge de seize ans, Jean-Paul souffrit d’une primo-infection, les médecins se penchèrent sur son cas et, dans un même élan, annoncèrent que le bon air lui serait éminemment profitable.  Ses parents l’envoyèrent à Allanche dans le Cantal où durant près d’un an, il partagea la vie des bergers. Pour le jeune Parisien, ce fut une révélation : la nature, le calme, les animaux. Ses journées, il les passait à construire des cabanes, à observer les verts pâturages et à surveiller les moutons. Le soir, il s’arrangeait pour dormir dans les granges où, pour la première fois il rêvait à son avenir. Il écrivit des lettres enflammées à sa famille, expliquant en long et en large que son avenir se situait là, près des moutons. Mais en dépit de ses apparences tranquilles de futur berger, Jean-Paul laissa exploser sa véritable passion : la comédie. »

« Je suis effectivement parti à Allanche, explique-t-il. Ça me plaisait beaucoup. J’ai gardé des moutons avec les copains. Mais c’était aussi l’époque où la plupart des villages de France organisaient des kermesses. J’y allais tout le temps, je faisais toujours l’idiot, le clown, je faisais rire tout le monde. Dans ces kermesses, il y avait des concours de camelots : celui qui vendait le plus de n’importe quoi. Je participais à tous ces concours et je les gagnais toujours. C’est en cela qu’Allanche m’a aidé à exprimer mon désir d’acteur. » Lorsque Jean-Paul oublia ses aventures campagnardes et remonta sur Paris, M et Mme Belmondo posèrent la fameuse question de confiance à ce fils turbulent qui ne brillait dans aucune matière scolaire : « Que veux tu faire ? » Sa réponse claqua comme un défi : « Acteur ! ».

Dans un autre ouvrage paru en 2009 – BELMONDO, la vie d’un monstre sacré – Gilles Durieux explique la vocation de l’acteur par son séjour à Allanche :

 « Allanche, sur le plateau du Cantal, ne ressemble à rien de connu, pour un jeune Parisien qui ne fréquente guère que la campagne domestiquée de Rambouillet. Mais enfin, on y respire bien, et le jeune homme aux poumons fragilisés y restera une longue année, le temps de se refaire une santé. Un autre aurait pu sombrer dans la mélancolie et envoyer à sa famille des messages de détresse. Pas Jean-Paul Belmondo : incurable optimiste, il envisage cet environnement nouveau avec la sagesse d’un vieux voyageur qui a fait le tour du monde : « La vie qui coulait à Allanche était douce et fervente à la fois. Je ne faisais rien et je ne m’ennuyais pas …L’enfant de la ville coupé du monde -tout au moins, du sien- parvient à se mêler à la vie locale avec une étonnante souplesse. Il garde les moutons avec ses nouveaux copains bergers et dort comme eux dans les granges à foin, quand ce n’est pas avec quelque jeune paysanne…

Aux fêtes de village, il est l’as des as, qui relève tous les défis et les remporte. Il participe à des kermesses en vendant du vent à des locaux médusés mais séduits. Cette aisance de bateleur préfigure son futur métier, sans pour autant qu’il en ait conscience. Du moins, pas encore. Bien au contraire, il envoie à sa famille, effarée et perplexe, des lettres du genre : « Avancez moi un peu d’argent. Je vais acheter une petite ferme et un peu de bétail. J’ai trouvé ma voie : je vais me faire paysan. » Avec le recul, Jean-Paul Belmondo explique cette soudaine vocation par un aspect peu connu de sa personnalité : « J’ai toujours été partagé entre deux appétits : le premier me pousse à vivre abondamment, à griller la vie comme on grille une cigarette. C’est mon côté Henri Garat. J’aime me coucher tard, traîner dans les rues avec des amis, liquider des bouteilles de whisky, faire des farces, conduire des voitures rapides… Et d’un autre côté, mon caractère me fait aspirer à une vie retirée, calme et sans histoires » …

Sa mère, à l’époque, dut réussir à le raisonner, puisque, retrouvant le bitume parisien en 1949, loin de la glaise de son Cantal de rêve, il déclara à son père que sa décision était prise : il serait acteur. »

Tout s’enchaîne alors très vite pour Jean-Paul qui suit les cours de Raymond Girard, débute au théâtre en 1950 en interprétant «La Belle au bois dormant »,  prépare pendant six mois le concours du Conservatoire d’Art dramatique où,  reçu en 1951 , il devient l’élève de Pierre Dux et rencontre alors Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle. Il est renvoyé à cause de son comportement. En 1953, il joue dans deux pièces au Théâtre : Médée de Jean Anouilh et Zamore de Georges Neveux. Il débute sa carrière cinématographique en 1958 dans Sois Belle et tais-toi et l’année 1960 le fait connaître dans son premier grand rôle dans A bout de souffle de Jean-Luc Godard. Il devient alors une figure marquante de la nouvelle vague. On connaît la suite sa carrière exceptionnelle qui en fait l’un des monuments du cinéma français.

Son attachement à Allanche est moins connu et pourtant il l’a souvent démontré en déclarant à de multiples reprises que sa vocation d’acteur lui était venue lors de ce long séjour dans le Cézallier. Ainsi dans une interview accordée en juin 1973 à Olivier Bonnichon, journaliste à « La Montagne » il déclarait :

« C’est Allanche qui m’a aidé à exprimer mon désir d’acteur. Allanche c’est un très bon souvenir marqué par un peu d’études et beaucoup d’amusements… les images les plus fortes sont celles liées aux petits bals organisés sous les tentes, à la pêche à la truite à la main, aux défilés dans les rues derrière la fanfare… Les réunions quasi-quotidiennes autour d’une table de ping-pong sont elles aussi inoubliables. Je revois également bien la rue principale où j ‘ai bu mes premiers pastis, sans oublier la grande place, celle du Cézallier.

Plus que la beauté de cet endroit « idyllique », ce sont surtout les relations humaines avec ses compagnons d’adolescence qui l’ont marqué : « ils ne m ‘ont jamais considéré comme le petit Parisien de passage, mais comme un de leurs amis ». II évoque alors les noms de Chastang, Jalenques, Bonnal et quelques autres dont il dit être sûr de ne pas avoir oublié les visages. Il est conscient d’avoir vécu sur les pentes des Monts du Cantal un période « unique » de sa vie qui l’a poussé dans sa carrière d’acteur. C’est là qu’il a fait ses premiers « numéros » comme il l’avait déjà précisé dans les livres écrits par Philippe Durant et Gilles Durieux.

Pour les gens d’Allanche, Jean-Paul Belmondo est comme un enfant du pays. Ils n’ont de cesse de le considérer comme l’un de leurs plus fervents supporters. Allanche lui doit un grand merci pour l’accueil qu’il a toujours réservé aux sollicitations de diverses associations du pays.
Nous nous souvenons plus particulièrement de l’aide de deux mille francs d’alors qu’il a adressée à Maurice Jalenques pour la Fête de l’estive.

Jean-Paul Belmondo (2e à g.) et François Benoit (3e à partir de la droite)

Jean-Paul Belmondo (2e à g.) et François Benoit (3e à partir de la droite)

Dans un courrier en date du 24 février 1993, il écrivait à Maurice :

« Cher Maurice,
J’ai bien reçu ton récent courrier et t’en remercie.
Je constate avec plaisir que la Fête de l’Estive est toujours présente à Allanche. Toutefois il est dommage de voir que les produits régionaux typiquement français comme ceux provenant de la Salers sont en danger et qu’il est parfois difficile de maintenir les traditions.
J’ai gardé un merveilleux souvenir de mon séjour passé à Allanche ; c ‘est pourquoi, j ‘espère que ma participation vous aidera à mobiliser les partenaires financiers nécessaires et que la Fête de l’Estive du 29 mai prochain vous permettra de promouvoir l’Estive et la race Salers.
Je vous souhaite tout le succès espéré.
Amicalement.
J.P. Belmondo »

Nous avons donc demandé à plusieurs personnes et à ses anciens copains d’Allanche d’évoquer quelques souvenirs communs. Tous ont accepté avec beaucoup de gentillesse car ils ne gardent en mémoire que de bons moments avec celui qu’ils considèrent comme un excellent copain, modeste, qui n’a jamais cherché à écraser ses amis parce qu’il venait de la capitale et qu’il apportait sa science. Pour tous il est devenu ensuite l’inaccessible étoile et pourtant il a toujours accueilli avec gentillesse tous ceux qui sont allés le voir dans sa loge après les pièces de théâtre ou même qui l’ont retrouvé dans Paris.

Dans le cahier numéro deux, les Amis du Vieil Allanche ont publié les témoignages de ces anciens copains émouvants pleins d’affection : Carmen Bresson, Louis Chastang, Jean Cellarier, René Treuil, Pierre Amiral, Georges Terrisse Jean Tronche, François Jalenques, Jean Tronche …

( à l’arrière le Parc municipal),de gauche à droite : J.P.Belmondo, Paulette Trembley, X Bresson, Michel Alheinc, Josette Millet, François Jalenques et Pierre Bonnal. Assis : X.

Le Modern’Hotel, lieu de séjour de Jean-Paul Belmondo à Allanche.

Jean-Paul Belmondo et Paulette Trembley au Bois des Veyrines.

Jean-Paul Belmondo et Paulette Trembley au Bois des Veyrines

« Nos Champs Elysées »

J’me souviens

I

J’me souviens de ma grand rue,
Pleine de commerçants.
Les passants et les clients
S’y attardaient longuement.
On la montait, on la descendait
C’était nos « Champs Elysées »
Il y avait un bel hôtel
Qui s’appelait «Chancel ».

II

J’me souviens d’la rue derrière
Où il y avait un notaire,
On entendait le forgeron
Tenant ses percherons,
Un bourrelier, un menuisier,
Un hôtelier, un laitier,
Tous ces anciens beaux métiers
Fierté de notre Cité.

III

J’me souviens de mon foirail
Autour du monument
Il était plein de bétail
De badauds, de chalands –
D’la descente de chez « Soulier » En hiver, on lugeait.
Aux grands matchs du «Pont Valat »
Des joueurs s’prenaient pour Kopa

IV

J’me souviens de ma kermesse
Au sortir de la grand-messe
D’la salle St Jean, de la Saint Jean,
Des p’tits bals de mes quinze ans.
Belmondo n’était pas Bebel
Mais il enflammait les belles
En juillet on allait faire les foins
Oh ! ça sentait bon dans l’coin

VI

J’me souviens d’notre cinéma
Il était notre Alhambra
Nous regardions Jouvet, Gabin
Michèle Morgan et Chaplin.
« L’atmosphère » de l’Arletty
L’beau Tino et Raimu
Ils sont tous l’écran de notre vie
Qui ne s’éteindra plus.

IX

J’me souviens du « Père Bergès »
Qui nous faisait la classe
Il nous enseignait la morale
Quoi donc de plus normal ?
On chantait « La Marseillaise »
Ma Normandie, la Paimpolaise-
On préparait le certificat
C’était notre baccalauréat

VII

J’me souviens d’mes copains d’la rue
On faisait les hurluberlus
Au parc on jouait au football
Belmondo faisait le goal.
De nos balades, de nos randonnées
Se sont forgés des amitiés
Et malgré les années passées
Nous n’oublierons jamais.

VIII

J’me souviens de ma p’tite gare
Haut lieu de ma cité
On y allait les jours de foire
Voir les bêtes s’en aller
On y rêvait de beaux voyages
Mais vite on en r’descendait
Pour retourner au village
Avec « Barba » pour danser

X

J’me souviens de nos amourettes
Oh ! folles amours de notre jeunesse
Où êtes vous Dalida ,La Mauricette
Gisèle, Mado ou l’Arlésienne
Le Jean Paul déclamait ses vers
Et mettait les filles à l’envers
On l’entendait parler Corneille
Racine ou bien Molière

XI

J’me souviens du « Modern Hôtel »
Où officiait le Père Bonnal
Il était rempli de voyageurs
Y avait même un sculpteur
On y venait pour déguster
Les viandes de notre Cézallier
Le Jean Paul s’ faisait une santé
On a vu c’ que ça a donné !

XII

Souvenons-nous d’ ces années là
N’oublions pas ces temps là
La vie r ’prenait, nous étions gais
Dans notre belle cité.
A vous les jeunes cette chanson
Pour que tous filles et garçons
Vous aimiez toujours fréquenter
Nos Champs Elysées

A toutes les personnes qui ont connu cette période 1945/1955
Musique de Charles Trenet « Un petit coin de rue »

Souvenons-nous…
François Jalenques

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