par Philippe Glaize – Extrait du Cahier N°5
Grâce au Comité français pour Yad Vaschen nous avons pu obtenir quelques renseignements sur soeur Marie-Etienne (née Philomène Rolland) et soeur Marie-Angèle (née Jeanne Dessaigne) qui ont été distinguées « Juste parmi les Nations » en 2002.
En 1953 l’assemblée législative de l’Etat d’Israël (La Knesset) décida d’honorer « Les Justes parmi les Nations qui ont mis leur vie danger pour sauver des Juifs » pendant la seconde guerre mondiale, le titre de « Juste » est décerné au nom de l’Etat d’Israël par le Mémorial de Yad Vaschen créé à Jérusalem en 1953.
Le 27 janvier 2005, le Mémorial de la Shoah a ouvert ses portes à Paris (4ème) en plein coeur du quartier du Marais sur le site du Mémorial du Martyr juif inconnu. Une « allée des Justes » a été réalisée avec les noms des 2693 Justes de France à proximité du Mur des noms où sont gravés les noms des 76000 juifs déportés de France.
Un dictionnaire des Justes de France comportant plus de 2000 noms a été publié en 2003 et l’analyse montre une prédominance notable des femmes qui représentent soixante pour cent des noms.
« Les conditions pour être déclaré Juste sont étudiées par le département des Justes à Yad Vaschen Jérusalem, sur instruction de dossiers présentés, par les comités nationaux pour Yad Vaschen : le désintéressement , les risques encourus lors du sauvetage entrent en compte, en sachant qu’au moment des faits les acteurs des ces actes de bravoure ne savaient pas que cette distinction, la plus importante décernée par l’Etat d’Israël serait créée ».
Dans le Cantal dix-neuf personnes ont été distinguées par le comité dont soeur Marie-Etienne et soeur Marie-Angèle d’Allanche.
Le Comité du mémorial de la Shoah que nous avions sollicité a bien voulu nous transmettre les biographies écrites par monseigneur Lazare pour l’instruction du dossier de distinction de Jeanne Dessaigne et Philomène Rolland (en religion soeur Marie-Etienne) qui appartenaient toutes deux à l’ordre des soeurs de Saint-Joseph et enseignaient à l’époque à l’école d’Allanche, soeur Marie-Etienne en était la directrice.
En novembre 1942 Philomène Rolland (sœur Marie-Etienne) était de passage à Saint-Flour à l’école Saint-Joseph de cette ville le jour même où monsieur et madame Florentin, venaient demander asile pour leur fille Colette âgée de 11 ans afin de la mettre à l’abri des rafles. M. et Mme Florentin, juifs originaires de Turquie avaient fui Paris et s’étaient installés à Perpignan.
Le père de Colette et l’un des oncles réussirent à passer clandestinement en Espagne pour rejoindre les forces de la France libre.
Avant son départ, monsieur Florentin avait voulu assurer la sécurité de sa fille. Sur les conseils d’une voisine qui lui recommanda l’établissement de Saint-Flour, il s’était adressé à la directrice qui malheureusement manquait de place. Celle-ci pensa soudain à Philomène sur le point de repartir pour Allanche. Elle emmena Colette avec elle sur le champ.
Jeanne Dessaigne la reçut chaleureusement et l’intégra à l’internat d’Allanche, refusant tout payement. Colette reçu une fausse identité, fut scolarisée, baptisée et participa aux offices religieux. En juillet 1943, la mère de Colette se présente à Allanche, cette fois pour demander asile pour elle-même et sa nièce, Jacqueline, 10 ans dont le père avait été arrêté à la frontière espagnole, voulant suivre les traces de ses beaux-frères. Il fut déporté à Auschwitz où il périt. Jeanne Dessaigne les hébergea toutes les trois dans une chambre de l’internat jusqu’à la Libération. Jacqueline fut scolarisée et baptisée à son tour. Les deux fillettes y séjournèrent aussi durant l’année scolaire de 1944 à 1945 sous la protection des sœurs, seules à connaître leur identité. Des liens solides se tissèrent entre elles qui perdure- ront jusqu’au décès de ces dernières . Le 6 février 2002 Yad Vaschen a décerné à Jeanne Dessaigne (sœur Marie-Angèle) et à Philomène Rolland (sœur Marie-Etienne) le titre de Juste des Nations.
Sœur Marie-Angèle
Dessaigne Jeanne
Sœur Marie-Etienne
Rolland Philomène
Colette Florentin se souvient de cette période avec émotion :
« Ce n’était pas une pension, c’était une famille.
Nous sommes souvent revenues à Allanche voir mademoiselle Dessaigne et sœur Marie-Etienne jusqu’à leur départ. Nous avons entretenu des liens d’affection très étroits jusqu’à leurs décès. Elles ont été toutes deux formidables avec nous. Le mérite revient uniquement à ces deux religieuses d’exception qui ont senti aussitôt qu’il ne fallait rien révéler à personne. Après la guerre, la conception de leur devoir et leur grande modestie, les ont conduites à ne pas évoquer leur action. A deux reprises nous avons parlé de la médaille des Justes à sœur Marie-Etienne. Elle a refusé, déclarant que notre profonde amitié était plus importante que l’attribution d’une médaille. A sa mort nous nous sommes senties déliées du respect de son vœu et nous avons jugé qu’il était de notre devoir de les honorer»
Les personnes qui ont connu Philomène Rolland se souviennent d’une femme courageuse, ouverte sur les nouvelles méthodes d’éducation, sur la société et très en avance sur son époque. Lorsqu’elle prend l’initiative de cacher des juifs dans son établissement, elle avait seulement 28 ans
Première photo d’école prise après la guerre (1947), les sœurs s’étant opposées à la prise de photo pendant la guerre pour des raisons évidentes de sécurité.
De g. à d. au 1er rang : Simone Roche, Denise Thèron, Josette Sabatier, Christiane Sereyjol, Jeanine Chabrier, Yvonne Chastel, Evelyne Chalier, Paule Izard, Jeanine Roux, Louisette Rampon, Aurélie Mallet, Michèle Arteil, Arlette Desplat.
au 2e rang : Anne-Marie Spilmann, Roselyne Roche, Yvette Dufour, Jeanine Sabatier, Yvette Arnaud, Sœur Marie-Etienne, Jeanne Dessaigne, Sœur Saint-Benoit, Françoise Magot, Huguette Bassaler, Suzanne Bassaler, Josette Combes, Paulette Combes.
au 3e rg : Marie-Thérèse Delpirou, Madeleine Leymarie, Gisèle Dufour, Paulette Chanut, Gisèle Cuzol, Micheline Veyrond, Monique Jarry, Ginette Juillard, Thérèse Moins, Gaby Bastide, Marie-Louise Albaret, Paulette Cussac.
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